Le 21 janvier 2023
Chers amis de l’AICT dans le monde entier,
J’ai la triste tâche de vous informer que le grand critique roumain et français, Georges Banu, est décédé à l’âge de 79 ans après avoir lutté contre une grave maladie. Notre président honoraire était l’un des véritables grands esprits du théâtre mondial de notre génération, ou de n’importe quelle génération.
Selon son éditrice, Françoise Nyssen : « C’est l’une des grandes mémoires du théâtre qui est en train de disparaître. » (< sceneweb.fr >). L’Institut culturel roumain de Paris a déclaré : « Sa connaissance de la scène européenne et mondiale, son érudition et ses paroles colorées ont fait de lui un spectateur particulièrement éclairé et un écrivain très apprécié. »
Pour des générations de critiques de théâtre affiliés à l’Association internationale des critiques de théâtre, Banu était un mentor réfléchi et incisif qui a inspiré de nouvelles façons de penser le théâtre tout en attirant l’attention sur des artistes qui auraient autrement pu être négligés.
Né en Roumanie en 1943, Georges Banu a été professeur émérite d’études théâtrales à la Sorbonne Nouvelle (Paris II) et directeur général de la collection Le Temps du théâtre aux éditions Actes Sud. Il a publié de nombreux ouvrages importants sur les metteurs en scène européens, notamment sur Peter Brook, Michael Grüber, Giorgio Strehler, Antoine Vitez et Ariane Mnouchkine. Il a écrit une trilogie sur le théâtre et la peinture – Le Rideau (1997), L’Homme de dos (2000) et Nocturnes (2005) – et une série de livres dont La Nuit (2004), L’Oubli (2005) et Le Repos (2009). Parmi ses oeuvres les plus connues, notons Le Rouge et l’Or, une poétique du théâtre à l’italienne (1989), Notre théâtre – La Cerisaie (1999), L’Acteur qui ne revient pas (1986), La Scène surveillée, miniatures théoriques (2008), Amour et désamour du théâtre (2013) et l’anthologie Shakespeare, le monde est une scène (2009). Il a également publié L’Enfant qui meurt (2010), Les Voyages du comédien (2012) et récemment L’Inaccompli ou le défi du théâtre (2016), Tchekhov (2016) et Les Récits d’Horatio. Portraits et aveux des maîtres du théâtre européen (2021).
À trois reprises, Banu a remporté le prix du meilleur livre français sur le théâtre. Ses textes ont été traduits en italien, allemand, espagnol, russe, roumain, hongrois, slovaque et polonais. Il a réalisé deux films (sur Shakespeare et sur Tchekhov). Il a dirigé la publication de Théâtre et opéra : une mémoire imaginaire (1990), Le Théâtre testamentaire (1991), Le Théâtre de la nature (1992), L’Est désorienté (2000), Le Corps travesti (2007) et Extérieur cinéma (2009). Il a collaboré avec les metteurs en scène Luc Bondy, Yanis Kokkos, Krzysztof Warlikowski et Patrice Chéreau, ainsi que Thomas Ostermeier et Krystian Lupa sur leurs productions jouées en France. Il a reçu des doctorats honorifiques de plusieurs universités européennes. En 2014, l’Académie française lui a décerné le Grand Prix de la Francophonie.
Banu était l’auteur de notes qui ont fourni à Grotowski la base pour écrire la première version de Performer. Au nombre de ses publications, notons également l’essai sur son amitié avec Jerzy Grotowski et Peter Brook. Avec Grzegorz Ziółkowski, il a publié une sélection de textes de Peter Brook, Teatr jest tylko formą. O Jerzym Grotowskim (2007 ; Avec Grotowski : Le théâtre n’est qu’une forme, 2009). Le ministère polonais de la Culture et du Patrimoine national lui a décerné la médaille Gloria Artis pour le mérite en culture.
L’extraordinaire capacité de travail, de réflexion et d’analyse de Georges Banu a élevé la critique théâtrale au rang d’art et porté l’étude de l’expérience humaine vers de nouveaux sommets. Il est peu probable que nous voyions quelqu’un passer notre chemin pour produire un impact culturel aussi profond.
Nous offrons nos plus sincères condoléances à sa veuve, Monique Borie, ainsi qu’à ses nombreux amis, étudiants et collègues. Que sa mémoire soit une bénédiction pour nous tous.
Sincèrement,
Jeffrey Eric Jenkins
Président
Association internationale des critiques de théâtre